Les offres d’électricité verte vendues par les fournisseurs d’énergie reposent sur des certifications trompeuses, critique Antoine Nogier, président de Sun’R.
Les entreprises et les particuliers qui souhaitent contribuer à la transition énergétique à travers leur consommation d’électricité sont tentés de recourir à des offres d’électricité verte , proposées par leur fournisseur d’énergie.
Ces offres d’électricité verte s’appuient toujours sur des certificats appelés «garanties d’origines», puisque selon la réglementation en vigueur, pour être qualifiée de «verte» une offre d’électricité renouvelable doit impérativement être associée à l’achat de garanties d’origine. Les garanties d’origines présentent cependant trois failles qui amènent à dénoncer leur manque d’efficacité en tant que vecteur de la transition énergétique.
1. L’électricité verte n’est pas injectée en temps réel
C’est le premier travers des garanties d’origines : elles verdissent les offres d’électricité verte alors que l’électricité verte produite n’est pas injectée sur le réseau au moment de la consommation. Ce décalage temporel est absurde. La fourniture d’électricité nécessite justement un équilibrage en temps réel entre production et consommation.
Les garanties d’origine associées à ces offres d’électricité verte injectée sur le réseau proviennent le plus souvent de centrales très éloignées du lieu de consommation. Ainsi, le plus grand émetteur de garanties d’origines vendues en Europe est la Norvège (25 %).
Malgré l’interconnexion des réseaux électriques il y a très peu de chances qu’un électron vert produit en Norvège puisse contribuer à alimenter la consommation d’un client en France. Comble de l’aberration, l’Islande est émettrice de garanties d’origine, alors que ce pays n’a aucune interconnexion avec le réseau de transport d’électricité européen !
2. Les garanties d’origine ne contribuent pas au développement du renouvelable
Les nouveaux projets de production d’électricité renouvelable, même s’ils sont beaucoup moins coûteux que les nouveaux projets de production d’origine nucléaire ou thermique, doivent encore bénéficier de mécanismes de soutien pour pouvoir se réaliser. Or la loi française interdit à tout développeur d’un nouveau projet de production renouvelable qui profite d’un mécanisme de soutien de profiter également du revenu de la vente des garanties d’origines.
Ainsi, seuls les sites de production les plus anciens profitent d’une rente avec la vente de garanties d’origines alors qu’ils sont amortis depuis longtemps ! L’achat de garanties d’origines auprès d’un producteur n’encourage donc pas le développement de nouveaux moyens de production d’électricité d’origine renouvelable en France !
3. Ces offres d’électricité verte envoient un mauvais signal au consommateur
Une analyse lucide amène à la conclusion que ce système des garanties d’origines favorise les grands acteurs à la fois producteurs et fournisseurs d’électricité, qui peuvent ainsi verdir leur production d’origine fossile ou nucléaire, en utilisant des certificats émis par des sites de production d’énergie renouvelable les plus anciens situés n’importe où en Europe…
Par ailleurs en laissant croire aux consommateurs que des offres 100 % renouvelables peuvent être déployées indéfiniment, comment espérer que ces derniers prennent conscience qu’un monde renouvelable supposera nécessairement plus de moyens de stockage de l’électricité et d’effacement de consommation, et plus largement des pratiques de consommation pilotables en adéquation avec la production des énergies renouvelables.
Changer de méthode
Il faut se souvenir que le système des garanties d’origine a été mis en place il y a près de vingt ans, avec l’objectif principal de susciter l’intérêt des consommateurs pour les énergies renouvelables, jusqu’alors parfaitement confidentielles et largement méconnues de la population et des acteurs économiques. A l’époque, la garantie d’origine était le moyen le moins mauvais pour remplir cet objectif.
L’objectif désormais, est de passer rapidement à un monde 100 % renouvelable compte tenu de l’urgence climatique. Heureusement, des solutions ont émergé depuis qui permettent de relier, en temps réel, un producteur renouvelable et un consommateur grâce à la blockchain, qui est aujourd’hui la technique de certification la plus efficace.
Il est donc temps que l’on cesse de dissocier la fourniture d’électricité de la production d’électricité renouvelable par le recours à un système de certificats opaque. Les développeurs de nouveaux projets d’électricité renouvelable doivent pouvoir vendre leur électricité aux consommateurs qui souhaitent les soutenir dans des conditions économiques satisfaisantes. Le système des garanties d’origines, obsolète et inefficace en tant que moteur de la transition énergétique, doit céder la place à des alternatives transparentes et cohérentes.
Antoine Nogier est président de Sun’R, une entreprise du secteur de l’énergie solaire photovoltaïque.