Par GreenUnivers. Le Conseil économique, social et environnemental (Cese) a rendu rapidement son avis sur l’article 1 du projet de loi sur l’énergie que lui a soumis le gouvernement le 4 février dernier. Une loi sur l’énergie qui doit passer en Conseil des ministres le 6 mars. Cet article 1 de la loi sur l’énergie modifie certains objectifs que se fixe la France sur : les émissions de gaz à effet de serre (GES), les consommations énergétiques, l’usage des énergies fossiles et le nucléaire. Globalement, le Cese se fait l’avocat de la loi de Transition énergétique de 2015 et déplore des ambitions en baisse dans cette nouvelle loi sur l’énergie et le manque de moyens engagés, notamment dans la rénovation énergétique et l’autoconsommation. Il enjoint par ailleurs le gouvernement à réformer la taxe carbone pour poursuivre le renchérissement des énergies fossiles, tout en préservant le pouvoir d’achat des plus modestes. Comme à l’accoutumée, le dossier nucléaire n’a pas fait l’objet de consensus.
Sobriété énergétique : 40 Mds€/an pour rattraper le retard
Le Cese aime les économies d’énergies : « les seules énergies qui ne posent pas de difficultés sont celles qu’on ne consomme pas ». Las ! Malgré des discours ambitieux, la consommation d’énergie en France stagne depuis plusieurs années. Un constat qui n’est sans doute pas étranger à la diminution voulue par le gouvernement de l’objectif intermédiaire 2030 de la loi sur l’énergie auquel le Palais d’Iéna s’oppose : « le Cese préconise de maintenir à 20% l’objectif de baisse de la consommation énergétique finale à l’horizon 2030 », à comparer aux 17% inscrits par le gouvernement dans la loi énergie.
Le Conseil estime en effet que dans la mesure où l’objectif de réduction de 50 % des consommations énergétiques à l’horizon 2050 n’est pas remis en cause, la baisse proposée de l’objectif intermédiaire impliquerait d’imposer au pays un effort supplémentaire et probablement peu crédible sur la période 2030-2050. Or, le Cese déplore l’important retard pris depuis 2015 dans la réalisation des objectifs prévus par la loi de transition énergétique en matière d’efficacité et de sobriété énergétique.
S’il constate une hausse de ces investissements ces dernières années, il calcule qu’il manque encore environ 7 Mds€ par an dans les logements et 5 Mds€ par an dans le tertiaire pour atteindre les objectifs d’efficacité énergétique fixés en 2015. Selon I4CE, pour rattraper le retard pris dans ce domaine, il faudrait un effort supplémentaire d’investissement d’une quarantaine de milliards d’euros par an sur la période 2019-2023 (contre 25 si on se contente d’enregistrer ce retard).
Neutralité carbone
Le gouvernement veut modifier l’article L100-4 du code de l’énergie sur les émissions de GES. Alors que la version actuelle prévoit de « diviser par quatre les émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2050 », la nouvelle formulation prévoit « d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050 ». Une évolution sémantique qui a son importance. Dans le premier cas, le France s’engageait à réduire en valeur absolue ses émissions de GES, tandis que dans la seconde le pays promet une neutralité carbone qui peut être atteinte avec des niveaux d’émission élevés s’ils sont compensés. Un changement de paradigme. Le Cese demande à ce que la baisse de 83% des émissions entre 2015 et 2050 inscrite dans la SNBC soit repris explicitement dans l’article 1 afin de clarifier les intentions du gouvernement.
Le Cese met également en garde contre le risque qu’il pourrait y avoir à surestimer les capacités de captage de carbone, « dont le potentiel réel reste encore très incertain à ce stade ». Le Conseil estime que pour l’instant la faisabilité technique, le coût et l’acceptabilité sociale des techniques de capture et séquestration de CO2 ne sont pas clairement établies.
Par ailleurs, l’assemblée attire l’attention sur les impacts potentiels de la neutralité carbone en 2050. Elle met en garde contre le risque de délocalisations d’activités, notamment industrielles, qui pourraient en découler. Si ces dernières se traduisaient par des importations massives, « il ne serait rendu aucun service au climat mondial tandis que l’économie et la société françaises auraient été handicapées », craint le Cese.
Contribution climat-énergie
L’accroissement de l’objectif de baisse des consommations d’énergies fossiles à l’horizon 2030 de 30 à 40 % par rapport au niveau de 2012, est la seule modification qui trouve grâce aux yeux du Cese. Afficher des objectifs ambitieux c’est bien, les réaliser c’est mieux. Or, le Palais d’Iéna rappelle que les objectifs fossiles fixés pour la période 2015-2018 n’ont pas été tenus.
Intimement liée, la réforme de la contribution climat-énergie sera cruciale pour confirmer la trajectoire de baisse des consommations d’énergies fossiles. Un sujet devenu brûlant depuis la crise des Gilets Jaunes. Pour autant, le Cese souhaite qu’« à l’issue du Grand débat national engagé actuellement, le gouvernement présente rapidement une nouvelle trajectoire de cette contribution. Cette trajectoire devra bien entendu être associée à des mesures supplémentaires de compensation et d’accompagnement au changement, indispensables pour mieux garantir son acceptabilité sociale », précise l’institution des corps intermédiaires. Le sujet des territoires et du solaire agricole photovoltaique est également important
La pomme de discorde nucléaire
Last but not least, le projet de loi prévoit de repousser à 2035 la réduction à 50% de la part du nucléaire dans le mix électrique. Une disposition qui fait l’objet d’un dissensus jusqu’au sein du Cese. Certains représentants, s’appuyant sur le bilan prévisionnel 2017 de RTE, considèrent comme possible de ne repousser l’objectif qu’à 2030. D’autres sont favorables à la disposition du projet de loi fixant l’échéance à 2035. Les derniers considèrent que l’objectif de 50% ne repose sur aucune considération objective et souhaitent un report au-delà de 2035. Bref, sur le sujet du nucléaire, le Cese reflète assez bien les divergences d’opinions de la société française.
A noter néanmoins que les représentants du Cese soulignent que « le délai supplémentaire pour ramener à 50% la part du nucléaire ne règle en rien la question de l’avenir de cette filière et de sa place future dans le mix énergétique français. Or cette question continue de se poser de façon urgente pour permettre à tous les acteurs du secteur énergétique de préparer l’avenir dans un domaine qui implique des investissements matériels et immatériels très lourds. Il conviendra donc de mener et de trancher ce débat au cours de la législature actuelle malgré ce délai supplémentaire, en tenant compte notamment des travaux engagés dans le cadre du contrat de filière nucléaire. Le Cese se saisira de ce débat », conclut-il.
Enfin, bien qu’invité à ne s’exprimer que sur l’article 1 du projet de loi, le Cese n’a pu résister à la tentation de formuler des observations au sujet de son article 2, prévoyant la création d’un Haut conseil pour le climat auprès du Premier ministre. Sans surprise, il considère que la priorité devrait être donnée à une meilleure coordination des instances déjà existantes.
L’avis complet du Cese peut être consulté ci-dessous (ou ici en PDF)