Par PV-Mag .. Active depuis bientôt trois ans, l’opération d’autoconsommation collective réalisée par SerenySun à Cabriès-Calas, près d’Aix-en-Provence, offre un terrain fertile à l’évaluation de ce type de modèle de production et d’utilisation de l’énergie solaire au plus près des territoires. Retour d’expérience.
Donald François, son PDG, en est à l’origine (lire l’interview). Résident de Calas, il s’est servi de cette opération « pilote » pour en dupliquer le modèle dans d’autres territoires. À Vaux-en Velin (69) avec l’opération Notre énergie La Soie, finaliste des Trophées de l’innovation EnerGaïa dans la catégorie Écosystème. Ou encore à Toulouse (31) avec Notre énergie La Cadène, à Mérignac (31) avec Notre énergie Mérignac, mais aussi à Mâcon et en région parisienne. Un développement pour lequel SerenySun vient de lever 3 millions d’euros auprès de Terra Nea, fonds à impact de la Région Sud.
Des utilisateurs aux profils variés
Du fait de son ancienneté et de sa configuration, la communauté d’énergie SerenyCalas est emblématique. « C’est à ce jour la plus importante opération d’autoconsommation collective en France en nombre de participants, avec 88 consommateurs réunis. Ce projet inclusif fait participer une mixité de publics », affirme Alice Gaubert, directrice développement chez SerenySun depuis quatre ans. Des utilisateurs aux profils variés, comprenant une majorité de particuliers, trois commerces, une maison de retraite et la piscine d’une copropriété sont alimentés par deux centrales photovoltaïques équipées de panneaux Voltec et Peimar.
Deux questions à Donald François, PDG de SerenySun
Quelle est votre vision de l’autoconsommation collective ? Face à nos besoins énergétiques qui augmentent, nous devons produire dans nos villes 50 % de l’énergie requise pour alimenter nos activités. La solution passe par les circuits courts. Pourquoi aller produire des électrons à l’autre bout de la France, quand ils sont à portée de main ? Grâce à ce genre d’opération, la production d’énergie est non seulement décentralisée, mais on peut l’apporter à un public qui n’y aurait pas accès autrement. C’est tout le sens de notre démarche inclusive.
Sur quoi repose le succès d’un circuit court ? Il faut disposer du foncier pour installer une centrale de production d’énergie renouvelable, privilégier des projets d’envergure en milieu urbain et péri-urbain, là où se concentre la densité de production, fédérer un collectif mixte au sein d’un même territoire, en couvrant entre 30 et 50 % de ses besoins, et offrir à tous une énergie à tarif maîtrisé.
Installées par Silversun sur les toitures du groupe scolaire « Le Petit Lac » et du club-house du Domaine de Calas, les deux centrales présentent respectivement une capacité de 230 et 34 kWc. Limitées en puissance, elles réservent malgré tout à chaque participant de l’opération une part d’électricité significative, visible sur la facture. « Notre objectif, c’est que tout participant qui rentre dans une opération d’autoconsommation collective ait un intérêt à la faire. Qu’il y ait un vrai partage de la valeur et que tout le monde, quel que soit le prix qu’il paie, puisse bénéficier d’un tarif plus attrayant que celui qu’il peut trouver par ailleurs », souligne Alice Gaubert.
La difficulté d’une opération comme SerenyCalas réside dans le montage de la communauté, qui réclame beaucoup de temps et de l’énergie, a fortiori quand le contexte réglementaire évolue en permanence. « Avant la nouvelle loi en 2019, une opération d’autoconsommation collective ne pouvait se réaliser qu’entre des participants reliés au même poste de transformation », se souvient Mailys Chollet, chef de projet chez SerenySun, chargée de la gestion de SerenyCalas depuis son démarrage.
Heureusement, la loi Climat et Résilience est passée par là, ouvrant plus facilement la voie à ce modèle de production et de distribution d’énergie solaire en circuit-court. Reste qu’entre les premières visites aux voisins, les rencontres avec les élus, les études de faisabilité, la réponse aux appels d’offres, les travaux de construction des centrales, la création de la Personne morale organisatrice (PMO), la définition d’une clé de répartition dynamique optimisée et la contractualisation, il s’est écoulé plus de trois ans…
« Nous avons organisé, en tout, une quinzaine de réunions d’information avec les habitants de la commune qui se trouvaient dans le périmètre de deux kilomètres concerné par l’opération, pour leur parler du projet en leur posant deux questions : “Voulez-vous consommer l’énergie verte locale que nous allons produire ?” et “Souhaitez-vous participer au financement du projet ?”. L’idée était de lancer une campagne de financement participatif avec Énergie partagée » (lire encadré), poursuit Mailys Chollet.
Un tarif d’achat unique pour les particuliers
Leur réponse ne s’est pas fait attendre. Dès février 2022, une trentaine de pré-inscriptions ont été reçues de la part d’un public averti, engagé dans la transition énergétique et prêt à rejoindre la communauté. Isabelle Ferlin et Patrick Pochat en font partie, en tant qu’actionnaires de la PMO SerenyCalas de surcroît. Habitant à Calas depuis 30 ans, les deux sexagénaires n’avaient « jamais entendu parler du projet, jusqu’à ce que Donald François, notre voisin, nous l’explique en détail lors d’un conseil syndical. L’idée nous a séduit directement. Tout nous plaît : le côté écologique, comme le côté économique », avouent-ils.
Gouvernance locale et financement citoyen de l opération d’autoconsommation collective
Après la signature d’un bail de 30 ans entre SerenySun et la mairie de Cabriès-Calas pour la mise à disposition de ses toitures, SerenyCalas a fait l’objet d’une campagne de mobilisation de l’épargne citoyenne pour collecter les fonds permettant la réalisation du projet. L’opération a été financée par un investissement de 180 000 € apportés par les actionnaires de SerenyCalas, à savoir SerenySun (36 %) et un collège de 44 citoyens, accompagnés par Energie Partagée qui ont apporté ensemble les 115 000 € restants. Énergie Partagée Investissement, qui mobilise l’épargne citoyenne au niveau national, a également contribué au financement de la phase de construction pour un montant non divulgué. Un financement bancaire à hauteur de 300 000 € sera sollicité à partir de 2025 pour financer les développements à venir.
Concernant le tarif d’achat de l’électricité produite, il est le même pour tous les particuliers : 117 euros du MWh (hors Turpe, Accise et TVA), quand le Tarif réglementé de vente de l’électricité (TRVE) est actuellement fixé à 152,40 euros du MWh. « Nous appliquons toujours un tarif unique pour les particuliers. En revanche, pour les entreprises, c’est du sur-mesure. Personnalisée, la tarification varie en fonction de leur profil de consommation, de leurs besoins et de la durée, à la carte, de leur engagement », précise Alice Gaubert.
Un périmètre d’opération d’autoconsommation collective élargi à 10 km
Autres membres du premier noyau dur de consommateurs, Alexandra Souptès et Giovanni Caffi ont trouvé que « ce projet de communauté énergétique était intelligent et avait du sens, en dehors même de toute autre considération financière ». Tous les deux travailleurs indépendants à domicile dans le secteur de la rénovation énergétique, le couple joue parfaitement le jeu, en rechargeant son véhicule électrique et en faisant tourner sa machine à laver en journée.
« Ça rentre tout à fait dans notre état d’esprit »
Associés du restaurant italien Trattoria Dai Giuliani, Julien Casteldo et Julien Castelbou ont été les premiers commerçants autoconsommateurs de la communauté, en août 2022. Locataires des murs de leur établissement, les deux « quadras » sont les meilleurs ambassadeurs de SerenyCalas, n’hésitant pas à en afficher les couleurs sur le comptoir et à en faire la promotion au moment de l’addition. « Le projet correspond à notre image de marque. Ça rentre tout à fait dans notre état d’esprit, nous qui nous approvisionnons en circuit-court pour tous les produits de saison que nous cuisinons. L’offre SerenyCalas couvre 30 % de nos besoins. En plus, réaliser 300 euros d’économie par an en électricité, ce n’est pas négligeable pour une entreprise comme la nôtre », reconnaît Julien Castelbou.
Aujourd’hui, 98 % de l’énergie solaire produite à Calas est en effet autoconsommée et les 2 % restants sont revendus à Enercoop. Mais qu’en est-il de l’avenir de la communauté énergétique ? Il semble déjà écrit grâce à l’élargissement à 10 km du périmètre d’autoconsommation accordé à SerenyCalas. « Nous avons sept personnes sur la liste d’attente qui n’attendent que ça, se réjouit Alice Gaubert. L’idée de cette communauté, c’est de la voir grandir encore, en y agrégeant de nouvelles sources de production. Cette dérogation va nous permettre d’étendre notre zone d’alimentation à tous les quartiers de Cabriès-Calas, ainsi qu’aux communes de Bouc-Bel-Air, Simiane-Collongue et Les Pennes-Mirabeau, désormais éligibles ». Ne reste plus à SerenySun qu’à trouver aux alentours où installer une ou plusieurs centrales de production photovoltaïque supplémentaires, pour les faire rentrer dans la boucle.