Par PV-Magazine sur la recharge de véhicules électriques
En France, le taux d’équipement photovoltaïque est quatre fois plus faible que celui de la recharge de véhicules électriques. Or, la combinaison des deux solutions apparaît particulièrement pertinente d’un point de vue énergétique et économique. À condition, toutefois, que la filière solaire s’y intéresse de plus près.
Le couplage photovoltaïque/ IRVE représente une technologie prometteuse qui pourrait se développer de façon exponentielle si les bonnes conditions sont réunies.
Marquée par l’arrêt des ventes de véhicules à moteur thermique d’ici 2035, l’électrification croissante du secteur du transport routier en France conduit à une augmentation des voitures électriques et hybrides rechargeables. Il est prévu d’en produire 8,5 millions d’exemplaires d’ici 2030, avec une perspective de 40 % du parc automobile d’ici 2035. Parallèlement, le déploiement des infrastructures de recharge s’accélère, visant entre 330 000 et 480 000 points de recharge publics d’ici 2030.
Dans ce contexte, et profitant de la sortie d’une étude réalisée en direction des décideurs par les professionnels du solaire et de la mobilité électrique (Avere, SER, Enerplan et Wavestone), pv magazine France a interrogé Prasanna Jayaratnam, responsable du développement chez BayWa r.e. Solar Systems, sur les destins croisés du couplage IRVE (Infrastructure de recharge pour véhicules électriques) et photovoltaïque.
pv magazine France : En quoi le couplage photovoltaïque/IRVE est-il pertinent ?
Prasanna Jayaratnam : Nous avons la chance avec le photovoltaïque d’avoir l’énergie décarbonée la moins cher du marché : moins de 10 centimes d’euro par kilowatt-heure contre 0,25 €/kWh pour un abonnement 6 kVA sur le réseau. À titre d’exemple, une recharge complète via des panneaux solaires en autoconsommation, permettant de parcourir entre 250 et 600 kilomètres, ne coûte que 3 à 8 euros, selon le modèle de véhicule électrique, soit moins de la moitié du prix en tarif bleu.
Les particuliers, comme les entreprises qui y sont réglementairement contraintes par les lois APER et LOM, ont donc tout intérêt à coupler leur installation photovoltaïque avec des bornes de recharge, pilotables en fonction des besoins, pour en maximiser le potentiel. C’est une opportunité qui, malheureusement, n’est pas saisie ou considérer aujourd’hui à sa juste valeur par les acteurs du photovoltaïque, contrairement à ceux de l’IRVE, qui s’intéressent davantage à la question.
Comment les acteurs du photovoltaïque peuvent-ils mieux prendre en compte l’électro-mobilité dans leurs activités ?
Il faut qu’ils se posent les bonnes questions. Les acteurs du photovoltaïque sont aujourd’hui sur un marché hyper porteur, pour lequel ils ont beaucoup œuvrer ces dernières années. Ils travaillent comme ils l’ont toujours fait et, pour une fois, ça paie bien ! Quand un installateur pose une centrale aujourd’hui, il pense d’abord à l’effacement de la facture de son client, au S21 avec à la possibilité de revente du surplus à 11 centimes d’euro, mais il se pose rarement la question de savoir s’il n’aurait pas plutôt intérêt à installer une borne de recharge pour auto-vendre l’énergie entre 29 et 39 centimes du kWh. C’est là-dessus qu’ils doivent être sensibilisés en priorité.
Le couplage photovoltaïque/IRVE est également freiné par le cloisonnement des deux activités, traitées indépendamment l’une de l’autre lors des consultations, notamment pour la construction de nouveaux centres commerciaux. À la lecture des CCTP (Cahiers des clauses techniques particulières), on s’aperçoit que les parties photovoltaïque et IRVE font très souvent fait l’objet de lots séparés, sans aucun lien entre les deux, alors que les synergies sont évidentes, ne serait-ce que pour la VRD…
Comment faire en sorte que photovoltaïque et IRVE fonctionnent mieux ensemble ?
Les professionnels de la filière doivent comprendre que photovoltaïque et IRVE vont de pair. Ils doivent plus discuter et communiquer entre eux pour éviter de dépenser de la ressource inutilement. Quand le photovoltaïcien réalise des tranchées pour passer ses câbles et que l’installateur IRVE fait exactement la même chose juste à côté pour installer sa borne, sans se demander si l’un ne pourrait pas alimenter l’autre plutôt que de passer par Enedis et le réseau, c’est un peu bête, non ?
Avant d’en arriver à une solution complètement intégrée, qui pourrait par exemple être proposée par un industriel distributeur de matériel photovoltaïque et de bornes de recharge, pourquoi les acteurs du photovoltaïque et de l’IRVE ne répondraient-ils pas plus souvent en cotraitance ou en sous-traitance ? Avec un pilote aux commandes et des passerelles pour s’assurer que l’un facilite le travail de l’autre. C’est tout à fait à notre portée, surtout avec toutes les solutions techniques et technologiques aujourd’hui à notre disposition.
On parle justement beaucoup du « Vehicle-to-X » comme solution d’avenir. Où en est son développement ?
En permettant de puiser et de redistribuer l’énergie stockée dans la batterie d’un véhicule électrique vers une source indéfinie, cette technologie serait, en théorie, un complément logique du couplage photovoltaïque/IRVE, une brique de plus pour valoriser la production d’électricité solaire et le potentiel de la mobilité électrique au service du système électrique. Or, ce n’est pas encore le cas en France, où le réseau ne valorise pas ce kilowatt-heure, contrairement à d’autres pays européens qui voient le « Vehicle-to-X » décoller. Car, au niveau technique, on sait faire : une partie des bornes vendues sont déjà compatibles avec cette technologie, tout comme une partie des véhicules électriques disponibles sur le marché. La seule partie qui manque, c’est le réseau.
De quelle manière le coût d’installation d’une borne de recharge influence-t-il le couplage photovoltaïque-IRVE ?
Favorablement. Pour une entreprise, la question du coût d’une borne de recharge ne se pose pas vraiment, dans la mesure où, en plus du service rendu et des bénéfices qu’elle en retire, elle obligée par la loi d’en installer un certain nombre. Dans le cas d’un particulier propriétaire d’un véhicule électrique, il n’a finalement pas d’autre alternative pour faire le plein à domicile. Son investissement est optimisé, l’installation d’une borne – environ 1 700 euros – étant en partie financée par le crédit d’impôt de 500 euros accordé par l’État.
Quand un professionnel rend visite à un particulier, il faut qu’il ait le réflexe de lui proposer les deux solutions : photovoltaïque et IRVE. Son client sera gagnant, du simple fait de mutualiser le déplacement pour réaliser les deux installations, simultanément ou de manière consécutive.
Sur quoi repose, selon vous, l’avenir du couplage IRVE/photovoltaïque en France ?
Au-delà des solutions techniques de recharge de véhicules électriques, qui existent déjà, et de la définition d’un cadre réglementaire clair, son avenir repose avant tout sur une nécessaire incitation à modifier ses usages électriques et à changer ses habitudes de consommation. Surtout avec l’épée de Damoclès d’une possible refonte de l’arrêté S21 et compte tenu des conséquences de l’entrée en vigueur des futurs tarifs heures creuses méridiennes. Même s’il sera toujours plus avantageux de recharger son véhicule électrique entre 12 h et 16 h, avec le surplus produit par son installation solaire, que la nuit.