A Paris, une toiture sous contrainte
Un immeuble de la capitale Paris , dans le XVe arrondissement, est alimenté, en partie, grâce à l’autoconsommation.
Dans la longue rue Lecourbe du XVe arrondissement, entre un restaurant indien et une boutique de repassage, le numéro 296 se distingue peu de ses voisins. Trois étages de briques rouges, un vieil immeuble élégant typique des années 30 et une entrée carrelée de mosaïques.
Ici pourtant, un système d’autoconsommation d’électricité, unique à Paris, tourne depuis un an grâce à l’énergie solaire. En toute discrétion : depuis la rue, impossible de voir les panneaux photovoltaïques posés sur la toiture. Pour une question de protection du paysage urbain, le service d’urbanisme de la ville a refusé que les panneaux soient visibles d’en bas. «Une réduction de 30 % de la surface prévue initialement a été exigée», raconte Ondine Suavet, directrice générale du fabricant de circuit solaire MyLight Systems. Et si la pose des panneaux aura pris seulement trois jours, «un an aura été nécessaire pour monter le dossier», explique le cabinet d’architectes Secheresse. Avec des allers-retours incessants entre les architectes et le service d’urbanisme. «Nous avons d’abord essuyé deux refus successifs, car les toits de Paris sont un patrimoine culturel protégé», ajoute le cabinet.
«Ségolène Royal».Il faut monter tout en haut des immeubles alentours pour avoir une vue d’ensemble sur les deux niveaux de toiture où ont été posés 90 m2 de panneaux photovoltaïques. Couvrir tout le toit n’aurait de toute façon pas suffi à combler les besoins des huit logements que compte cet immeuble de 880 m2. «C’est toute la difficulté d’un immeuble parisien : beaucoup de besoins, mais peu de surface disponible», explique Ondine Suavet. En tout, seule la moitié des logements bénéficie de l’équipement.
Au premier étage, deux familles. Au rez-de-chaussée, une ancienne loge de gardien, devenue un pied-à-terre occupé seulement une partie de l’année. A côté, un bureau de 85 m2, lui aussi équipé, et loué par l’entreprise de biotechnologie Hemarina.
Assis à la table de réunion, le directeur général Hugues Le Choismier est intarissable sur le ver marin aux vertus thérapeutiques que sa société étudie. Moins sur les panneaux solaires. C’est son employé, le médecin Nicolas Grigore, qui doit lui montrer le compteur : un boîtier bleu MyLightSystems, avec une borne wi-fi. Celle-ci est reliée à une interface de gestion dont chacun des occupants est doté, pour consulter sa consommation en temps réel. «Je ne sais pas du tout comment ça marche, reconnaît Nicolas Grigore, même si le fonctionnement nous a été expliqué.» Il retient surtout, avec amusement, que «Ségolène Royal avait dit à l’époque qu’elle viendrait inaugurer l’installation… Elle n’est jamais venue !» Après un coup de fil à sa comptable, le directeur général estime tout de même que grâce à ce système, «plus de 50 % d’économies ont été réalisées». La société payait 250 euros d’électricité par trimestre. Sur deux ans, elle a réalisé 800 euros d’économies.
Charges. Concernant les lots plus petits, Ondine Suavet évoque une économie d’environ 70 euros par an. Pour la famille Bertrand, un couple avec un garçon, dont la facture mensuelle s’élève à «près de 100 euros», l’impact est moindre. Ils pointent dans leurs charges mensuelles le chiffre de 31,44 euros, associé à MyLightSystems.
«C’est plus l’aspect écologique que l’économie d’énergie qui plaît aux locataires», admet la propriétaire. Elle qui possède depuis «des dizaines d’années» cet immeuble s’est lancée dans le projet à l’occasion de la rénovation des logements du bas, les plus vieillissants. Avec des motivations écologiques avant tout : «Je voulais démontrer que l’on pouvait mettre du solaire sur les toits de Paris, pour lutter contre le réchauffement climatique.» Zéro gain économique, dans un premier temps, «parce que l’installation ne permet un amortissement des frais engagés qu’au bout de quinze ans», assure-t-elle. La pose des panneaux et du système de câblage s’élève en effet à près de 50 000 euros. «On a refait un réseau. Quatre câbles ont été tirés pour équiper ces quatre logements, depuis une centrale placée sous le toit», explique Ondine Suavet. Une centrale divisée en sept unités : quatre font en permanence circuler l’électricité dans chacun des câbles associés à chaque appartement. Les trois autres sont «variables» : ils s’adaptent aux besoins des lots, sous le contrôle de l’entreprise. 20 % des besoins énergétiques des quatre unités sont ainsi couverts. Pour le reste, les occupants recourent au réseau classique. «Sauf en août : tout le monde est parti, on est en surproduction», glisse Ondine Suavet. En plein été, ou dès que la régulation en temps réel n’est pas parfaite, le surplus est alors revendu à EDF, à 6,4 centimes le kilowatt.