Par Libération. «Un des points clés de notre démarche, c’est de faire en sorte que les ressources du territoire, le vent, le soleil ou l’eau, ne s’enfuient pas dans la comptabilité d’un groupe privé. Nous voulons que la richesse locale irrigue l’économie locale»,explique l’ingénieur Valérian Cantegril, qui coordonne le projet. Du circuit court énergétique : ainsi pourrait-on résumer l’expérience initiée il y a quelques années à Rilhac-Lastours (Haute-Vienne Limousin ). De toute façon, «soyons honnêtes, quand l’idée a germé en 2009, qui serait venu investir ici ?» tonne pour sa part le maire Jacques Barry, en référence aux fonds qu’il a contribué à lever pour créer une éolienne. «Car à l’époque, on nous prenait pour des fous»,observe-t-il. Energie positive». Depuis, avec ses 3 000 MWh produits chaque année et ses 250 000 euros de chiffre d’affaires, l’éolienne citoyenne a toute l’attention des pouvoirs publics. Ils se pressent désormais pour accompagner la commune, qui entend contribuer à faire de l’ensemble du parc naturel régional (PNR) Périgord Limousin , où elle se situe, «un territoire à énergie positive»(qui en produit plus qu’il n’en consomme).
Avec ses voisines, la commune du Limousin se donne dix ans pour produire grâce à un mix énergétique vert environ 50 % de la consommation de l’ensemble des ressortissants du parc, soit 51 000 personnes. «L’idée étant de rester pionniers», explique Sébastien Fissot, élu local et patron bénévole de «la Citoyenne solaire».
Lancée en décembre, l’entreprise entend déployer une vingtaine de centrales solaires dans l’année, à travers les 74 communes du parc du Limousin . Une dizaine ont déjà été installées qui produisent chacune la consommation de 10 à 15 foyers. Cette première opération à 193 000 euros a été financée à 60 000 euros en fonds propres par des citoyens-actionnaires, 10 000 euros en aides régionales, le reste ayant été emprunté sur quinze ans. A son plein épanouissement, la «Citoyenne solaire» compensera la consommation d’environ 200 foyers. Encore loin, cependant, de l’éolienne, «qui produit la consommation annuelle d’environ 3 000 personnes et génère 17 000 euros de taxe professionnelle pour la collectivité»,se vante Franck Debord. Banquier de la bande, il est le gérant bénévole de l’éolienne qui sert autour de 2 % d’intérêts annuels à ses actionnaires citoyens.
Fraîchement lancée, la «Citoyenne solaire», elle, vise un rendement annuel de 4 %. «En gros, vous mettez 100 euros et vingt ans plus tard vous récupérez votre mise, plus 4 euros par année. C’est notre hypothèse basse, sachant que notre idée est de réinvestir les bénéfices non prévus dans des actions de sensibilisation à la transition énergétique», explique l’ingénieur. Et de préciser que pour les propriétaires de toiture, la société offre un loyer de 3 % du chiffre d’affaires prévu de la centrale : «Ce qui peut varier de 45 à 350 euros annuels selon la surface. C’est relativement modeste, raison pour laquelle les propriétaires ont accepté de transformer leurs loyers en actions dans l’entreprise.»
Epargne éthique. Cette société rassemble une cinquantaine de citoyens actionnaires et vise les 150 d’ici à la fin d’année. «Des gens motivés par l’avenir de leur région et désireux d’accompagner la transition énergétique, donc capables de patienter pour voir venir la rentabilité, contrairement à un financier classique», explique Franck Debord. Cela signifie que le modèle développé à Rilhac n’a pas été pensé en circuit fermé en vue d’une autoconsommation mais comme une épargne éthique. Et pour aller au bout de leur démarche écologique, les citoyens actionnaires de la citoyenne solaire ont décidé de ne revendre leur production qu’à Enercoop, seul acteur à ne sourcer ses approvisionnements qu’auprès de productions dites propres. Achetée au tarif fixé par l’Etat, soit autour de 200 euros le MWh solaire, l’énergie est revendue 10 % à 20 % plus cher par Enercoop. «Le prix de la traçabilité écologique et citoyenne de l’énergie», professe Franck Debord.
Ensuite, «libre à chacun d’opter pour un fournisseur d’énergie verte». Une forme de circuit local vert, les électrons produits allant aux lieux de consommation les plus proches.